dimanche 27 novembre 2011

J'ai oublié une partie de moi en Inde

Musique obsédante. Inde, Inde, Inde. Musique rassurante. Inde, Inde, Inde. Musique terrifiante.
Pas un jour ne passe sans que j'y pense. Que je m'y imagine. Que je ne revive les instants perdus, et pourtant vécus avec tant de difficultés. Avant de le découvrir, ce pays me paraissait être un mystère. Lorsque j'y suis allé, c'était un enfer, et maintenant que je n'y suis plus, c'est un Nirvana.. Serait-ce encore un sale tour de mon esprit, qui tourne les évènements de façon à dire "oh, ce n'était pas si terrible que ça " alors que là-bas, tout n'est que pauvreté, désolation et saleté ?
On m'avait prévenue : l'Inde est comme une poubelle géante. Oui, je l'ai constaté : les rues sont des dépotoirs puants. Et pourtant. Pourtant, là-bas, les préoccupations ne sont pas à l'hygiène excessive, mais elles sont de l'ordre du vital. Oubli du superflu : l'essentiel au coeur de l'important. Oui, là-bas, les gens sont pénibles parce qu'ils vous accostent dans la rue, veulent tout savoir de vous, sont curieux parfois de façon gênante pour nous occidentaux guindés. Et pourtant. Il doit y avoir des méchants comme partout, mais là-bas, je n'étais plus un visage parmi tant d'autres, une ombre errante parmi les ombres. Les gens sont humains, ils veulent rendre service, se sentir utiles et individuels. Enfin, je pense.
Là-bas, une heure après mon atterrissage, passée la bouffée de chaleur des 40°C à 7h30 du matin, passés les premiers émois d'être arrivée et d'avoir retrouvé mon amie, j'étais toute neuve. En une demi-journée, j'étais habituée à ce que je voyais autour de moi, des choses inimaginables ici, ou nulle part ailleurs en Occident. J'étais neuve de tout : tout est si différent que la comparaison avec le connu est impossible et impensable. Inutile. J'ai dépassé mes limites, je me suis découverte capable de beaucoup de choses, moi qui étant enfant avais peur de sortir seule dans la rue d'un quartier familial, j'ai fait des choses que je n'aurais jamais faites en France. L'Inde est un pays dangereux, terrible. Sans pitié. Et pourtant. On dirait le chaos sur terre et pourtant les lieux sont si beaux. C'est le pays des contrastes : un temple magnifique mais qui, de plus près, est jonché d'ordures dans les coins les plus improbables. C'est un pays qu'on aime et qu'on déteste, qui est attirant et repoussant, beau et répugnant.
Lorsque je me suis décidée à y aller, j'ai refusé de me cultiver sur l'Inde, sans bien savoir pourquoi. Je ne voulais avoir aucun repère, ne voir aucune photo, je ne voulais rien connaitre des lieux, des religions, des cultures, des légendes. Je connaissais géographiquement les grandes étapes de notre voyage : Delhi, Calcutta, Darjeeling, Katmandou, et une réserve naturelle quelque part au Népal. Le reste : je ne savais pas. J'y allais les yeux fermés et l'esprit grand ouvert, prête à accueillir. On m'avait raconté, 15 jours avant mon départ, que je ne devrais pas aller à Calcutta car des cadavres jonchaient les rues. J'ai refusé de vérifier. Et Calcutta s'est avéré être une ville des plus construites et civilisées des endroits que nous avons fréquentés. Même mon guide du routard, je ne l'ai pas ouvert. J'ai uniquement fait faire mon visa et les vaccins nécessaires, acheté mes billets, et j'ai attendu de rêver.
Sur place, tout n'était que cauchemar, comme je l'ai relaté dans de nombreux articles sur mon périple. Et pourtant, cet état de présence à soi et au monde me manque.

Maintenant, le besoin de me nourrir de l'histoire de ce pays se fait en moi. J'ai besoin de ne pas vivre uniquement dans mes photos et mes souvenirs embellis, mais de mieux savoir, mieux comprendre, mieux connaître.
Je regarde donc des films, comme Gandhi (que je vous recommande chaudement) et La route des Indes, je lis des livres comme "L'Inde en héritage" et "Histoire de mes assassins", et je suis des blogs, notamment celui de Chouyo, qui s'est installée à Bombay il y a 3 ans. A la lecture de ses billets, je me sens vivre auprès d'elle ces évènements qu'elle nous raconte si bien.
Je brûle d'y retourner. Je ne ressentirai peut-être plus jamais ça en y allant à nouveau, mais quelque chose en moi s'est passé là-bas. Un déclic, une découverte, une mise à nu. Et j'ai laissé une part de moi auprès de tous ces visages, tous ces paysages, tous ces voyages.

Source images : Blanche De Castille, droits réservés
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18 commentaires:

  1. Quand on fait un voyage aussi chargé d'émotion, c'est difficile de s'en remettre et encore plus de remettre les deux pieds dans la réalité parisienne.

    On se pose des questions, on se remet en question, on hésite, on fluctue puis on agit.

    Courage, je sais à quel point c'est difficile.

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  2. Tes mots me rappellent ceux de Nicolas Bouvier dans son livre "L'usage du monde" (récit de voyage Balkans-Turquie-Iran-Afghanistan-): "Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu'il se suffit à lui-même. On croit qu'on va faire un voyage, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait.""

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  3. Au retour de mon 1er voyage en Inde, j'ai quitté mon job (après 9 ans)et je n'étais effectivement plus la même. Ce ne fût pas le cas la seconde fois. Mais depuis mon retour j'ai besoin de rester encore un peu là bas (j'étais à la chapelle samedi), j'écoute de la vieille funk indienne terrible, je regarde des documentaires, je lis des livres et j'ai déjà envie d'y retourner. Et pourtant comme tu le décris si bien, quand on est là-bas il nous arrive de détester ce pays si fou.

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  4. Je me retrouve totalement dans tes ressentis, j'y suis allée l'été dernier à Delhi, Amber, Jaipur et Agra et j'ai très hâte d'y retourner et découvrir la partie sud !

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  5. Comme ça m'a fait plaisir de lire c'est billet... en effet, c'est une histoire de contrastes et contradictions. Comme si on faisait de l'apnée: on plonge, on est fasciné par ce qu'on voit mais on a un besoin pressant de ressortir. Pourtant, dès qu'on ressort on a envie de replonger...

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  6. Douchka de chez Catbibi28 novembre 2011 à 02:22

    Un voyage qui ne se termine jamais tout à fait!!

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  7. ah bah du coup tu m'as pas donné envie d'y aller alors que j'aimerais bien pourtant

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  8. Ton texte est réellement prenant... Mais aux antipodes de ce qu'une amie m'a raconté il y a peu après avoir passé 3 semaines dans le Nord de l'Inde. Elle m'a brossé le portrait de villes certes très sales mais dont la culture prenait le dessus. Et ce qu'elle a le plus apprécié est la rencontre avec les gens, les échanges, elle en garde de merveilleux souvenirs... C'est drôle comme un pays, un voyage, peut être vécu et vu si différemment. Bravo pour la une miss, tu le mérites amplement! bises

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  9. Ton texte est magnifique. Nous avons longtemps hésité à partir en Inde pendant notre voyage. Notamment à cause de tout ce que tu as ressenti.
    Finalement nous irons un jour c'est sûr mais pas tout de suite.
    Si tu aimes les romans sur l'Inde "Compartiments pour dames" & "ma soeur, mon amour" font partie de mes favoris.

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  10. Au contraire de toi, j'ai lu beaucoup de livres sur l'Inde et c'est ce qui me terrifie un peu et m'empêde franchir le pas.

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  11. J'y suis allée un mois il y a 26 ans et je n'oublierai jamais tous ces souvenirs visuels,olfactifs ,auditifs et émotifs.Je suis également le blog de Chouyo merveilleusement juste ,et je vois que beaucoup de choses sont restées les mêmes .

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  12. c'est effectivement au retour que l'Inde nous manque, un grand vide... avec tout ce que j'avais entendu sur ce pays, je m'étais préparée à tout en quittant la Suisse mais la baffe je l'ai prise au retour ! j'ai jamais retrouvé la même intensité dans aucun autre pays, voilà pourqoi j'y suis retrournée et j'y retournerai!
    un vrai plaisir de te lire

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  13. Tu m'as tout émue... Voici longtemps que je souhaite y aller !

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  14. Moi qui suis fan de l'Inde sans y être encore allé ce que tu décris ressemble beaucoup à l'idée que je me fais du après ?
    J'ai déjà vécu la même chose avec Madagascar notamment le fait de se sentir toute neuve :)

    Heureuse d'avoir découvert ton Blog :)

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  15. Waw des photos qui font rêver ! J'espère pouvoir y aller un jour !

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  16. Je suis toute chamboulée par ton récit... Il y a des endroits Qui nous transportent et nous changent. L'Inde aurait-elle ce pouvoir sur nous démultiplié ? J'aime beaucoup la citation de La fille aux cheveux de lin...

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  17. Ton article est une belle préparation pour le voyage que je projette. On a beau me prévenir, j'ai beau me documenter, je crois que je risque fort d'être dépaysée, mais sans doute c'est ce qui en vaut la peine. A la lecture de ton billet je ne m'étonne plus que de nombreux livres prennent l'inde comme voyage initiatique

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  18. Ton texte est magnifique. En fait ça fait un moment que je songe à un vouage en Inde (enfin pas de suite car niveau budget c'est impossible) et de lire tout ça je ne sais plus trop quoi en penser mais c'est beau!

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