samedi 25 juin 2011

Episode 9 : la nuit où j'ai cru que je ne reverrai jamais le jour

Cet article est sans doute le plus difficile à écrire de toute la chronique, c'est pour cela qu'il y a une semaine que je n'ai rien posté. Me remémorer ces moments est vraiment pénible, tellement c'était un cauchemar infernal. Mais je vais faire de mon mieux pour vous raconter cette histoire. 
Après avoir traversé la frontière népalaise, nous avons dû attendre toute la journée à Kakarvitta (village frontalier, qui n'a guère d'intérêt lorsqu'on y est coincés pour plusieurs heures) car nous devions prendre un bus à 5h de l'après-midi pour arriver, 13h plus tard, à Chitwan Park (le lieu que j'ai préféré de mon voyage). On a donc traînassé dans ce village jusqu'à ce qu'enfin, on nous accompagne à notre bus. Je crois que c'était le plus vieux et le plus cabossé de tous les bus qui étaient là. Les sièges étaient à moitié cassés, mais "on est au Népal" nous sommes-nous dit, ça ne peut pas être pire qu'en Inde". Grave erreur. 
Ceci est un très beau bus, pas le nôtre
Le bus est parti avec du retard à cause du chargement : des dizaines de ballots étaient mis sur le toit, accrochés avec des ficelles. Donc comme on roulait à une vitesse de folie, le chargement déséquilibrait complètement le bus dans les virages, on se crispait toujours un peu plus. Mais au bout d'une heure, on s'est arrêtés car il semble qu'une roue ait crevée. Malgré les nombreux badauds, personne n'a été capable de changer la roue pendant une bonne heure, et il faisait déjà bien nuit. Lorsqu'on est enfin repartis, j'espérais que le chauffeur allait ralentir car la nuit, il n'y a aucune lumière à part le faisceau faiblard des phares, et les routes sont faites de cailloux et de terre vaguement battue. Mais au contraire, il en a profité pour accélérer. Si ce n'était que ça, le voyage aurait été un bonheur. Mais l'enfer ne faisait que commencer.

C'est la première fois de ma vie que j'ai senti au plus profond de mon être que j'allais mourir. C'est horrible à dire, mais je ne pouvais pas imaginer le lendemain, ou le surlendemain. Je ne m'imaginais pas pouvoir m'en tirer. Alors pendant 10h, moi qui n'ai jamais vraiment cru à la transcendance, j'ai prié intérieurement pour avoir la vie sauve. Mon portable de marchait pas, et je pleurais de me dire que je ne pourrais pas dire adieu à ceux que j'aime. 
Vous allez comprendre. Déjà, on s'est rendues compte au bout de quelques temps qu'il y avait plein de bêtes et de cafards. Cela nous a dégoûtées, parce que dans le bus, il faisait noir et donc les cafards pouvaient nous grimper dessus impunément. Mais ce n'était rien, jusqu'à ce qu'on découvre avec terreur un cafard d'une taille inimaginable, sur le siège de l'autre côté du couloir : énorme forme marron de 10 cm. Chat n'a pas tenu elle a éclaté en sanglots de peur et d'angoisse. Moi j'ai enlevé ma basket et me suis approchée doucement pour éclater cette affreuse chose. Mais c'était tellement énorme que je n'ai même pas pu le tuer, et il s'est envolé. On a un peu hurlé, personne ne nous a crues alors on s'est mises, tout habillées et chaussées, dans nos sacs à viande en y mettant toutes nos affaires sauf nos sacs de routard, et on a mis un grand châle sur nos têtes : il n'y avait plus que le bout de notre nez qui dépassait pour respirer. On est restées des heures comme ça. Chat, qui déteste le contact humain, s'est agrippée à moi pour être protégée. Les gens nous regardaient comme des demeurées. Si seulement il n'y avait eu que le cafard. 

Le bus s'est retrouvé dans une tempête tropicale, nous étions en plein dans l'orage, la foudre frappait juste à côté, on aurait pu se faire foudroyer. Il pleuvait des trombes d'eau, on ne voyait même pas la route, et il s'est même mis à pleuvoir dans le bus, et oh joie ! Chat s'est pris des litres d'eau sur la tête et dans le cou, en 3 minutes elle était trempée, et moi aussi. On s'est donc serrées encore plus l'une contre l'autre, grelottantes. Le bus roulait à toutes berzingues, frôlant de peu les camions et les bus arrivant en face, doublant à une vitesse effrénée. Les gens avaient l'air serein, moi je pleurais de terreur. Mourir dans un accident de bus au Népal, c'est commun, mais c'est tellement idiot ! Qu'allait-il se passer? Est-ce qu'on allait tomber dans le ravin, se prendre un camion ou un arbre de plein fouet ? Et alors, est-ce qu'on nous retrouverait ? On nous identifierait ? Est-ce que nos familles seraient prévenues ? Personne ne savait où on était exactement. Toutes ces pensées m'ont torturées des heures, et j'ai essayé de me calmer en faisant des exercices de sophrologie que j'ai appris il y a quelques années. Je crois que ça m'a sauvé de la crise de nerf ou la crise cardiaque. 

Peu à peu, le jour s'est levé, et je me suis rendu compte que j'étais toujours vivante, que finalement, je n'allais pas mourir aujourd'hui. Je n'avais plus aucun espoir, j'ai vraiment cru que je ne reverrai jamais la lumière du jour. 

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13 commentaires:

  1. Ton article est vraiment angoissant. ça a du être vraiment horrible ! J'aurais éclaté en sanglots au bout de 10 minutes !

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  2. Oui, c'était vraiment terrible...maintenant j'essaye d'en parler en riant, mais je ris jaune. Je ne prendrai plus jamais un tel risque !!!

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  3. ben dis donc ma pauvre, c'était à la limite d'une film angoissant... je comprends que tu ai flippé j'aurais été pareille. J'espère que la fin de votre voyage s'est mieux passée mais ton article est super bien écrit en tout cas :)

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  4. Disons qu'après ça, plus rien n'était grave. Dès qu'il se passait un truc, la phrase qui revenait toujours était "j'ai survécu au bus de l'enfer, alors ça n'est rien". On relativise pas mal quand on se retrouve dans des situations comme ça (j'ai eu un autre voyage, en taxi cette fois, dans un autre orage tropical et foudroyant quelques jours après, mais je l'ai bien mieux vécu ! )
    Merci pour ton commentaire en tout cas ;)

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  5. Je suppose que le rapport à la mort est différent pour une population qui survit chaque jour, par rapport à nous qui vivons tant bien que mal. Une petite pensée aussi pour Chat.

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  6. Ton article ma angoissée. Mais contente que ça aille mieux. ça n'a vraiment pas du etre facile <3
    http://mesconfessionsparisiennes.wordpress.com :)

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  7. Flippante ton histoire. Je viens de découvrir ton blog et je le trouve vraiment chouette. Merci à toi d'être venue sur le mien.

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  8. @ Kielut : Oui tu dois avoir raison, les habitudes de vie, les croyances ne doivent pas donner à tous le même sens aux choses. Nous serions inadaptés pour vivre brusquement dans de telles conditions par exemple, alors que les Indiens vivent ainsi. Le sens inverse est certainement vrai. CC'est peut-être une question de culture.

    @mesconfessions : oui c'était dur, mais maintenant j'en ris beaucoup :)

    @Luzycalor : merci beaucoup, j'aime beaucoup ton blog également ;)

    A bientôt les filles !

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  9. Oh mais Blanche, quel épisode affreux ! j'ai lu le 10 avant le 9, je suis buen contente que vous ayiez eu ensuite une journée de rêve !

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  10. On est allé en avril au Népal, et on a jamais pris le bus de nuit. Je suis malade en bus depuis un voyage en Birmanie où j'ai cru moi aussi que j'allais mourir (au sens propre, comme toi). Mais les cafards en plus, non, je n'aurais pas supporté.
    On les a juste eu à l'hotel ;)
    (et comme toi, impossible de dormir avec des cafards et changement d'hotel à 6h du matin)

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  11. Oui c'est assez terribles ces situations!! Mais je pense aussi que ça permet de relativiser. Je ne sais pas comment les gens ont vécu le même voyage que toi en Birmanie (les locaux) dans le bus, en tout cas là au Népal, les gens étaient on ne peut plus sereins, c'en était terrifiant. Ca permet aussi de "tester" ses limites, mais bon il y a peut-être d'autres moyens, moins extrêmes et en tout cas, moins répugnants!!!

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  12. Je viens de lire ton article. Terriblement angoissant c'est clair.
    Et ce n'est pas la première histoire que j'entend sur les bus du Népal...

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    1. Oui, c'est hyper dangereux... enfin, en Chine c'est pareil parait-il...

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