Il nous prend par surprise, lorsque l'on s’y attend le moins. Une baisse d’énergie, un découragement, de la fatigue. On pense à quelque chose d’anodin, et le manque nous frappe au visage. C’est un coup dans l’estomac, on a le souffle coupé, les larmes qui ne peuvent s’empêcher de couler. On se croyait fort, intouchable, on savait qu’on aller se reconstruire, avancer la tête haute. On s’en persuadait, on était fiers, on minimisait tous les sentiments qu’on pouvait avoir. On les reléguait loin. Mais on s’effondre à la moindre occasion. Un être nous manque alors qu’on se croyait au-dessus de cela, et notre fragile équilibre vole en éclats. Pour moi, c’était aujourd’hui devant une caissière exténuée qui n’en pouvait plus de sa journée et qui devrait encore supporter les bip-bip de sa caisse pendant plusieurs heures.
J’ai quitté Buenos Aires chamboulée, incapable de me rendre
compte de ce qu’il m’arrivait. Une heure à peine avant l’arrivée de mon taxi
pour l’aéroport, je prenais tranquillement mon petit-déjeuner dans mon salon de
thé habituel, inconsciente. J’ai essayé de me focaliser sur mon départ pour un
voyage professionnel à Florence moins de deux jours après mon arrivée à Paris.
Je n’ai pas eu le temps de réfléchir à ces deux mois que je venais de vivre,
qui ont été un flot continu d’émotions, de rencontres, de découvertes. Je suis
rentrée après cinq jours en Toscane, j’ai débarqué à Toulouse, cherché un
appartement, me suis installée. J’ai encore une fois été à mille à l’heure,
sans me reposer vraiment, ni le corps ni l’esprit. Aujourd’hui j’ai pris
conscience que j’étais rentrée, que ma vie serait ici désormais, du moins pour
les six prochains mois, et les milliers de kilomètres qui me séparent de l’Argentine
et de gens que j’aime se sont faits sentir. Ca a été une gifle. Je me suis
effondrée. Le souvenir d’un regard, l’écho d’un rire qui résonne dans mon
oreille mais qui s’efface et bientôt tombera dans les méandres du souvenir, la
sensation d’une caresse, la chaleur d’une embrassade, la présence réconfortante
d’amis. Certains êtres ont laissé sur moi une trace indélébile. Tout semble se
perdre déjà pour laisser place au neuf. Je ne veux pas de ce neuf, je veux
garder cette chaleur confortable que j’ai connue, je veux poursuivre ce qui a
été commencé. Mais je ne peux m’en saisir, cela s’étire, s’éloigne de moi. Je
ne veux pas oublier, et je crois aussi que je ne veux pas qu’on m’oublie. Je
repense à des moments doux, des conversations passionnantes, de la complicité.
Je me repasse en boucle toutes ces choses que j’aurais voulu dire et que j’ai
préféré garder. Toutes ces journées remplies de vie. J’essaye de ne pas avoir
le regret de certaines choses, mais aujourd’hui cela m’a fouetté le visage avec
une violence que je n’aurais jamais imaginée. Le manque. Le manque des êtres qu’on
aime, le manque de ce qu’on a vécu, le manque des lieux, le manque de soi au
passé, la crainte de ne plus jamais être heureux ou épanoui comme on a pu l’être.
Pourtant, Buenos Aires ne m’a pas apporté que de la joie, au contraire.
Chaque phase exaltante de ma vie m’a fait passer par des
moments de doutes, de désarroi, de tristesse. De détresse même. Et chaque fois,
quelque chose de plus merveilleux est arrivé. Mais ce manque qui me tord le
ventre, le manque d’un sourire, d’une voix, est-ce que ce manque-là va passer ?
Est-ce qu’on se remet d’un tel manque viscéral ? J’ai l’impression que c’est
incommensurable. J’essaye de reconstruire en pensées les visages, les lieux, la
lumière. Mais cela ne fait que me rappeler que j’en suis loin, irrémédiablement
trop loin. Tous ces instants qui se
dissipent, je les ai vécus en pleine conscience parce que je savais qu’il
faudrait les conserver précieusement pour y voyager plus tard, et pourtant j’ai
l’impression qu’ils appartiennent déjà à une autre. Je souffre du temps qui passe, des deuils successifs et inévitables de la vie.
Je suis celle qui part, toujours. Mais je ne dois pas
oublier que je suis aussi celle qui arrive. Ce matin je lisais : « Expériences,
rencontres, sensations et souvenirs accumulés nous font baisser la vue mais
enrichissent la vie ». J’ai grandi je crois, encore une fois, pendant ce
voyage. Mais je n’en prends pas encore la mesure. Je dois accepter de laisser
aller les choses et les êtres pour continuer à me construire. Mais c’est dur.
Lors d'une promenade dans les rues de Buenos Aires, la tête pleine de questions, je suis tombée sur cette phrase qui m'a aidée à trouver des réponses. Je devrais m'en saisir comme d'un adage...
Comment vous le gérez, vous, le manque ?
Blanche.. si tu savais à quel point l'expression de ton texte sensible et profond me correspond tellement en ce moment...
RépondreSupprimerL'expression vraie et profonde d'une femme forte et si sensible qui devrait se dire à elle même : "Blanche, mon Amour, je suis là, je t'Aime".
Soit fière de cette forteresse que tu construit brique par brique de l'intérieur vers l'extérieur, pas l'inverse, jamais succomber à l'inverse, croire et s'aimer, pour aimer vers l'extérieur.
Aujourd'hui offre-moi 5 euro et vas pour moi chez un fleuriste choisir la plus belle des roses. De moi à toi. ;) (je te donnerais vraiment les 5 euro si l'on se revoie un jour.) :)
Merci Pascal, tes mots sont justes et me touchent beaucoup. C'est parfois dur d'être ainsi face à soi, malgré tout l'amour qu'on reçoit, c'est comme si l'essentiel n'était jamais vraiment là. Je vais aller l'acheter, cette rose ;-)
SupprimerBlanche.. si tu savais à quel point l'expression de ton texte sensible et profond me correspond tellement en ce moment...
RépondreSupprimerL'expression vraie et profonde d'une femme forte et si sensible qui devrait se dire à elle même : "Blanche, mon Amour, je suis là, je t'Aime".
Soit fière de cette forteresse que tu construit brique par brique de l'intérieur vers l'extérieur, pas l'inverse, jamais succomber à l'inverse, croire et s'aimer, pour aimer vers l'extérieur.
Aujourd'hui offre-moi 5 euro et vas pour moi chez un fleuriste choisir la plus belle des roses. De moi à toi. ;) (je te donnerais vraiment les 5 euro si l'on se revoie un jour.) :)