Je l'ai lu d'une traite, ou presque. 200 pages, une écriture simple, des phrases de fin de chapitre qui hérissent les poils, brisant les maigres espoirs que l'on s'était forgés sur le sort des personnages. "Est-ce ainsi que les femmes meurent ?" de Didier Decoin ne m'a pas laissée indifférente. J'en ressors choquée, surtout en me disant qu'il s'agit d'une histoire vraie.
Vous ne savez-pas de quoi il s'agit ? C'est le livre qui a inspiré le film "38 témoins" sorti la semaine dernière. Catherine Kitty Genovese, une jeune italo-américaine ravissante rentrait chez elle tard, dans le Queens, après sa soirée de travail en tant que manager d'un pub, une nuit d'hiver en 1964. Elle s'est faite froidement massacrer, violer, trucidée, devant chez elle, et surtout devant 38 témoins, oculaires ou visuels, qui étaient tous au chaud derrière leurs fenêtres, immobiles. Tétanisés. Par quoi exactement ? Cette histoire a tellement secoué l'Amérique que la théorie de "l'effet du témoin" a été développée par des sociologues à l'époque, tant l'affaire était immonde. Comment peut-on rester à ne rien faire alors que quelqu'un est en train de se faire attaquer sauvagement devant soi ? Est-ce la peur, la honte, l'idée qu'il ne faut pas s'occuper des affaires des autres ? Comment justifier cette lâcheté qui fait partie de la nature humaine ? On peut se demander : que ferions-nous si nous étions témoins de choses horribles ? Est-ce qu'on regarderait avec une passion un peu morbide, secoués du petit frisson que nous apporte cette nouveauté ? Est-ce qu'on fermerait les rideaux, on se boucherait les oreilles ? Est-ce qu'on mettrait sa vie en danger pour sauver celui qui, impuissant, se fait agresser devant nous ?
Je me suis souvenu d'une scène très choquante il y a un an. Je marchais dans une petite rue que je connaissais bien, quand un couple d'une soixantaine d'années, qui se disputait en anglais, à débouché au coin. L'homme, en imper beige, avait l'air soûl, mal en point, et la femme étriquée dans son manteau trop serré, mal à l'aise, la mine suppliant les passants de la secourir d'on ne sait quoi. J'ai changé de trottoir pour mieux garder à l’œil cet homme louche. Ce n'était pas de la curiosité malsaine, je sentais qu'il fallait être vigilante. Et tout à coup, l'homme a sauté à la gorge de sa femme pour l'étrangler. C'était horrible, tout était au ralenti. Je me suis figée, elle m'a regardée en me criant "au secours, aidez-moi, il m'étrangle" dans un français avec un accent. J'étais incapable de bouger, quelque chose m'a clouée sur place. Mais ça n'a duré qu'une fraction de secondes : j'ai couru alerter les policiers que j'avais aperçus dans la rue d'à-côté. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé pour cette femme, ni pour cet homme. Je suis partie : elle n'était plus en danger immédiat. Pourquoi ne suis-je pas resté jusqu'au bout ? Mon sauvetage se serait-il alors mué en voyeurisme malsain ? Je ne sais pas. J'avais oublié cette histoire depuis longtemps mais ce livre me l'a rappelée. Il m'a rappelé aussi les fois où j'ai été tétanisée d'appeler les pompiers ou la police parce que j'entendais des choses anormales dans mon immeubles, tentant de me convaincre que les sons étaient déformés par la distance et l'insonorisation des murs. Avais-je raison ? J'avoue cette faiblesse, que j'essaye de comprendre depuis que j'ai refermé ce livre. Pourquoi pouvons-nous agir à certains moments et non à d'autres ? Ou agir incomplètement, comme si on voulait se cacher d'avoir peut-être sauvé la vie de quelqu'un? Portons-nous la responsbilité de la vie d'autrui lorsque nous sommes le seul témoin, et que nous estimons s'il y a d'autres témoins ils sont tout aussi responsables, que ce n'est pas à nous d'appeler la police ?
Craignons-nous de nous tromper, d'attirer les foudres de celui qu'on croyait coupable ? A-t-on peur des représailles ? Ou bien a-t-on peur d'avoir vu juste, et de découvrir des atrocités inimaginables?
On se targue souvent d'être altruistes, mais que sommes-nous exactement, lorsque nous sommes face à la détresse d'un autre ? Donner une pièce à un SDF pour se donner bonne conscience n'est pas suffisant si c'est pour refermer le rideau quand il se passe quelque chose de grave. L'indifférence et la lâcheté sont des comportements choquants et indécents, mais que faire ?
Je vous engage à lire ce livre, qui est dur et poignant, certes, mais qui fait réfléchir. A la suite de cette affaire, le numéro unique "911" a été mis en place, sauvant la vie de milliers de personnes. La mort de Kitty n'aura pas été vaine pour cela. Et n'oublions jamais : la non-assistance à personne en danger est un délit en France.
Je suis curieuse d'avoir vos avis là-dessus, vos témoignages de vie ou de lectures...
Vous ne savez-pas de quoi il s'agit ? C'est le livre qui a inspiré le film "38 témoins" sorti la semaine dernière. Catherine Kitty Genovese, une jeune italo-américaine ravissante rentrait chez elle tard, dans le Queens, après sa soirée de travail en tant que manager d'un pub, une nuit d'hiver en 1964. Elle s'est faite froidement massacrer, violer, trucidée, devant chez elle, et surtout devant 38 témoins, oculaires ou visuels, qui étaient tous au chaud derrière leurs fenêtres, immobiles. Tétanisés. Par quoi exactement ? Cette histoire a tellement secoué l'Amérique que la théorie de "l'effet du témoin" a été développée par des sociologues à l'époque, tant l'affaire était immonde. Comment peut-on rester à ne rien faire alors que quelqu'un est en train de se faire attaquer sauvagement devant soi ? Est-ce la peur, la honte, l'idée qu'il ne faut pas s'occuper des affaires des autres ? Comment justifier cette lâcheté qui fait partie de la nature humaine ? On peut se demander : que ferions-nous si nous étions témoins de choses horribles ? Est-ce qu'on regarderait avec une passion un peu morbide, secoués du petit frisson que nous apporte cette nouveauté ? Est-ce qu'on fermerait les rideaux, on se boucherait les oreilles ? Est-ce qu'on mettrait sa vie en danger pour sauver celui qui, impuissant, se fait agresser devant nous ?
Catherine Kitty Genovese |
Craignons-nous de nous tromper, d'attirer les foudres de celui qu'on croyait coupable ? A-t-on peur des représailles ? Ou bien a-t-on peur d'avoir vu juste, et de découvrir des atrocités inimaginables?
On se targue souvent d'être altruistes, mais que sommes-nous exactement, lorsque nous sommes face à la détresse d'un autre ? Donner une pièce à un SDF pour se donner bonne conscience n'est pas suffisant si c'est pour refermer le rideau quand il se passe quelque chose de grave. L'indifférence et la lâcheté sont des comportements choquants et indécents, mais que faire ?
Je vous engage à lire ce livre, qui est dur et poignant, certes, mais qui fait réfléchir. A la suite de cette affaire, le numéro unique "911" a été mis en place, sauvant la vie de milliers de personnes. La mort de Kitty n'aura pas été vaine pour cela. Et n'oublions jamais : la non-assistance à personne en danger est un délit en France.
Je suis curieuse d'avoir vos avis là-dessus, vos témoignages de vie ou de lectures...