Quelle magnifique expression, n'est-ce pas ? C'est le titre d'un livre absolument fabuleux de Fabienne Verdier. Ce livre trônait dans ma bibliothèque depuis presque 5 ans : je l'avais pris à ma mère qui me l'avait conseillé et je n'avais pas encore trouvé LE moment précis où je devais/voulais le lire : ce moment est arrivé la semaine dernière alors que je sortais de mon petit week-end de prostration. Je n'aurais trouvé moment plus propice pour le lire : chaque phrase avait un tel écho en moi que j'en étais émue comme lorsqu'on lit de la poésie dont les mots sont si justes, si bien choisis, qu'ils résonnent en nous et nous émeuvent profondément, faisant jaillir des émotions fourmillantes.
Fabienne Verdier raconte comment, à 19 ans, elle est partie en pleine Chine communiste au début des années 1980, au fin fond du Sichuan, pour apprendre les secrets de la calligraphie antique. Elle nous raconte avec beaucoup d'humilité et de sincérité la façon dont elle a vécu pendant ses "10 ans d'initiation", à travailler jour et nuit, dans des conditions matérielles et d’hygiène terribles. Elle n'a pas simplement appris à peindre comme on le fait en occident. Son maître l'a abreuvée pendant des années, tous les jours, de la culture ancestrale chinoise, de la façon de penser des anciens, d'envisager la vie sous l'angle de la poésie, de la nature, du sens profond des choses. Il lui a appris comment un trait doit saisir la vie, la représenter, la diffuser. Un trait trop réfléchi, pas emprunt de vie, est "mort-né" et alors il faut recommencer, inlassablement... Cette philosophie qu'il lui a enseignée est bouleversante de beauté et fait sens pour moi.
Elle nous raconte sa persévérance, alors qu'on n'a cessé de tenter de la décourager de nombreuses fois. Le travail minutieux, la patience dont elle a du faire preuve en aurait effrayé plus d'un : pendant des mois, elle a du peindre des traits, elle n'a pas eu le droit de faire autre chose avant d'avoir entièrement saisi le mouvement de vie qui devait emplir son trait... je ne vais pas vous raconter tout le roman mais je vous livre quelques passages qui ont retenu mon attention :
"... j'essayais d'entrer en communion avec l'esprit de la peinture, même si je n'avais devant les yeux que de mauvaises reproductions. J'aimais sa phrase 'la mémoire, cette trace furtive, éphémère, nous enseigne doucement, mais sûrement, la saveur de l'immortalité'. J'ai grandi intérieurement à parcourir ces images qui devenaient des entités vivantes."
" 'Il s'agit de suggérer sans jamais montrer les choses, disait le maitre. L'ineffable, en peinture, naît de ce secret : la suggestion. Tu dois parvenir à saisir cet état, entre le dit et le non-dit, entre l'être et le non-être. A un lettré qui avait écrit un poème sur la pensée, son neveu rétorqua : 's'il existe une pensée, un poème ne saurait l'exprimer parfaitement ; s'il n'y a pas de pensée, pourquoi écrire un poème ? - Mon poème se situe justement entre la pensée et l'absence de pensée' répondit le Lettré."
" J'ai compris en arrivant en Chine que mon séjour n'aurait de sens que si je me pliais à un apprentissage rigoureux : si je voulais maîtriser le trait, je devais en effet interpréter les barres horizontales pendant des mois, emprunter la voie des grands peintres. Très vite, je me suis rendue compte en maîtrisant la technique que, pour aller plus loin, je devais m'initier à leur philosophie. Je dois beaucoup à mon maitre qui n'a jamais dissocié la peinture de la pensée chinoise et a tenu à m'enseigner les deux parallèlement. En Chine, je me suis formée à un style de peinture mais peut-être avant tout ai-je formé mon esprit, appris à le gérer pour enfin devenir adulte."
Après son diplôme chinois, elle est revenue en France puis repartie à Pékin comme attachée culturelle. Heureusement qu'elle ne s'est pas attardée à ce poste, car elle n'avait plus le temps de peindre... De retour en France, elle vit désormais de ses œuvres. Curieuse, je suis allée voir son travail sur internet, et ce que j'ai vu m'a coupé le souffle. Il y a des photos d'elle dans Passagère du Silence, lors de son séjour afin qu'on voit son environnement de travail, les maîtres qui l'ont initiée, les lieux des Territoires Interdits qu'elle a visités et dont elle parle... mais pas de photos de son travail. Ce que j'ai vu m'a fascinée. Était-ce parce que j'avais lu ce livre que j'ai ressenti la puissance de ses œuvres, l'énergie fantastique qui s'en dégage ? Difficile à dire. J'en ai parlé à des amis ce WE, pensant que personne ne la connaissait mais si, tout le monde s'est exclamé "Ah mais oui, Fabienne Verdier est incroyable" et quelqu'un m'a dit avoir été soufflé par ses toiles sans même savoir de qui il s'agissait... Peut-être donc que cette énergie vitale est perceptible même si on ne connait pas son histoire.
Ses techniques sont inhabituelles : elle prépare ses fonds de toile pendant des mois, et lorsqu'ils sont secs, elle peint. Si le tableau ne lui convient pas parce qu'il manque de cette force vitale que son maitre lui a enseigné, elle le brûle. Aujourd'hui, elle travaille parfois sur d'immenses format, utilisant des pinceaux géants à la verticale, elle devient elle-même le pinceau, elle danse sur sa toile, lui donnant vie. Je trouve cette femme magique et modélisante, elle est sublime dans sa passion et j'ai hâte de voir ses tableaux en vrai. Elle mérite qu'on lui rende hommage.
Fabienne Verdier raconte comment, à 19 ans, elle est partie en pleine Chine communiste au début des années 1980, au fin fond du Sichuan, pour apprendre les secrets de la calligraphie antique. Elle nous raconte avec beaucoup d'humilité et de sincérité la façon dont elle a vécu pendant ses "10 ans d'initiation", à travailler jour et nuit, dans des conditions matérielles et d’hygiène terribles. Elle n'a pas simplement appris à peindre comme on le fait en occident. Son maître l'a abreuvée pendant des années, tous les jours, de la culture ancestrale chinoise, de la façon de penser des anciens, d'envisager la vie sous l'angle de la poésie, de la nature, du sens profond des choses. Il lui a appris comment un trait doit saisir la vie, la représenter, la diffuser. Un trait trop réfléchi, pas emprunt de vie, est "mort-né" et alors il faut recommencer, inlassablement... Cette philosophie qu'il lui a enseignée est bouleversante de beauté et fait sens pour moi.
Elle nous raconte sa persévérance, alors qu'on n'a cessé de tenter de la décourager de nombreuses fois. Le travail minutieux, la patience dont elle a du faire preuve en aurait effrayé plus d'un : pendant des mois, elle a du peindre des traits, elle n'a pas eu le droit de faire autre chose avant d'avoir entièrement saisi le mouvement de vie qui devait emplir son trait... je ne vais pas vous raconter tout le roman mais je vous livre quelques passages qui ont retenu mon attention :
"... j'essayais d'entrer en communion avec l'esprit de la peinture, même si je n'avais devant les yeux que de mauvaises reproductions. J'aimais sa phrase 'la mémoire, cette trace furtive, éphémère, nous enseigne doucement, mais sûrement, la saveur de l'immortalité'. J'ai grandi intérieurement à parcourir ces images qui devenaient des entités vivantes."
" 'Il s'agit de suggérer sans jamais montrer les choses, disait le maitre. L'ineffable, en peinture, naît de ce secret : la suggestion. Tu dois parvenir à saisir cet état, entre le dit et le non-dit, entre l'être et le non-être. A un lettré qui avait écrit un poème sur la pensée, son neveu rétorqua : 's'il existe une pensée, un poème ne saurait l'exprimer parfaitement ; s'il n'y a pas de pensée, pourquoi écrire un poème ? - Mon poème se situe justement entre la pensée et l'absence de pensée' répondit le Lettré."
" J'ai compris en arrivant en Chine que mon séjour n'aurait de sens que si je me pliais à un apprentissage rigoureux : si je voulais maîtriser le trait, je devais en effet interpréter les barres horizontales pendant des mois, emprunter la voie des grands peintres. Très vite, je me suis rendue compte en maîtrisant la technique que, pour aller plus loin, je devais m'initier à leur philosophie. Je dois beaucoup à mon maitre qui n'a jamais dissocié la peinture de la pensée chinoise et a tenu à m'enseigner les deux parallèlement. En Chine, je me suis formée à un style de peinture mais peut-être avant tout ai-je formé mon esprit, appris à le gérer pour enfin devenir adulte."
Après son diplôme chinois, elle est revenue en France puis repartie à Pékin comme attachée culturelle. Heureusement qu'elle ne s'est pas attardée à ce poste, car elle n'avait plus le temps de peindre... De retour en France, elle vit désormais de ses œuvres. Curieuse, je suis allée voir son travail sur internet, et ce que j'ai vu m'a coupé le souffle. Il y a des photos d'elle dans Passagère du Silence, lors de son séjour afin qu'on voit son environnement de travail, les maîtres qui l'ont initiée, les lieux des Territoires Interdits qu'elle a visités et dont elle parle... mais pas de photos de son travail. Ce que j'ai vu m'a fascinée. Était-ce parce que j'avais lu ce livre que j'ai ressenti la puissance de ses œuvres, l'énergie fantastique qui s'en dégage ? Difficile à dire. J'en ai parlé à des amis ce WE, pensant que personne ne la connaissait mais si, tout le monde s'est exclamé "Ah mais oui, Fabienne Verdier est incroyable" et quelqu'un m'a dit avoir été soufflé par ses toiles sans même savoir de qui il s'agissait... Peut-être donc que cette énergie vitale est perceptible même si on ne connait pas son histoire.
Ses techniques sont inhabituelles : elle prépare ses fonds de toile pendant des mois, et lorsqu'ils sont secs, elle peint. Si le tableau ne lui convient pas parce qu'il manque de cette force vitale que son maitre lui a enseigné, elle le brûle. Aujourd'hui, elle travaille parfois sur d'immenses format, utilisant des pinceaux géants à la verticale, elle devient elle-même le pinceau, elle danse sur sa toile, lui donnant vie. Je trouve cette femme magique et modélisante, elle est sublime dans sa passion et j'ai hâte de voir ses tableaux en vrai. Elle mérite qu'on lui rende hommage.
C'est vrai qu'on voit de la dimension dans ces peintures... Tu en parles comme tu parles de la littérature, c'est très fort... Je ne suis pas une grande sensible de la peinture...
RépondreSupprimerLes deux sont justement très intimement liés : peinture et littérature se confondent, rassemblés par une philosophie de vie d'une grande beauté et d'une incroyable sagesse... Parce que si elle peint bien, offrant à l'oeil et aux sens ce flux vital, chacun de ses mots semblent emprunts de cette philosophie. J'ai lu son histoire comme de la poésie, mais sur 300 pages...
SupprimerSon histoire semble réellement passionnante!
RépondreSupprimerOui, elle l'est, et racontée avec une grande intelligence. Je ne saurais que te recommander ce livre Laeti !
SupprimerJ'avoue que je n'aime pas trop ces grandes peintures. Mais je crois bien que j'ai lu ce livre sur ses études en Chine, et j'avais été facsinée.
RépondreSupprimerOui je pense que ça peut participer aux "modèles féminins de mars" , et au message que nous voudrions passer à nos enfants "Trouve ce qui te plaît et développe le" , y compris pour les filles et sans se restreindre aux stéréotypes.
Quel bel article je suis sensible à cette philosophie
RépondreSupprimerTiens c'est rigolo, j'ai posté deux images sur mon blog récemment, et une citation qui me tient à coeur.
RépondreSupprimerSi tu ne connais pas déjà, je te recommande l'excellent "entretien avec Fabienne Verdier" et Charles Juliet.
Personnellement, je suis très fascinée par ses carnets.. (visibles sur le site en partie)