Elle le trouvait touchant dans sa laideur. Pourtant, il fallait que cette comédie cessât : elle ne voulait pas le blesser ni prendre ses airs de grande princesse, mais elle n'aurait pu imaginer un instant céder à ses avances. Le chauffeur de son père était adorable mais ventru ("horriblement ventripotent" s'était même exclamé sa mère lorsqu'elle l'avait vu la première fois) et son teint était d'un rubicond dont elle ne parvenait à définir clairement l'origine : était-ce la boisson ou sa timidité maladive qui le faisait rougir dès qu'elle lui apparaissait ? Elle le sentait mélancolique, déçu de la vie qui l'avait affublé de cet air un peu repoussant, de cette voix éraillée, de ce corps trop encombrant. Elle l'entendait parfois jouer de l'harmonica avec langueur lorsqu'il attendait le père d'Héloïse pour l'emmener à ses rendez-vous. Ceux-ci pouvaient avoir lieu n'importe quand, et le chauffeur devait toujours être disponible. Quelle vie !
Elle pensait à tout cela en se promenant dans le jardin, la lettre à la main, souriant à la vue d'un nid d'hirondelles dans les branches du vieux bananier stérile, humant les amandiers en fleurs, caressant délicatement les boutons de rose qui promettaient des senteurs extraordinaires, un peu plus tard dans la saison. Les coquelicots qu'elle apercevait contre la clôture seraient bientôt d'un rouge vif qui attire l’œil et annonce l'été. Le soleil était déjà haut dans le ciel d'un azur éclatant : on l’appellerait bientôt pour le déjeuner. C'était son dernier jour à la maison ; les travaux commenceraient demain et pendant toute la durée du chantier, elle serait chez sa grand-mère. Ses parents s'étaient "ruinés", encore selon l'expression de sa mère, pour agrandir la maison où "ils se sentaient à l'étroit maintenant qu'elle était plus grande". Pourtant, elle allait partir à l'université, cet automne, poursuivre ses études de philosophie. Elle lut à nouveau la lettre, sur laquelle des lignes, tracées au crayon pour que l'écriture fut droite, étaient encore apparentes. Comment pouvait-il ainsi faire son apologie tandis qu'ils ne s'étaient parlé que quelques fois, avait-il perdu le nord ? Non, elle savait bien qu'il ne divaguait pas, elle aussi avait senti qu'il s'était bel et bien passé quelque chose. Lorsqu'elle lui avait apporté les tartines de beurre l'autre jour, préparées par la cuisinière, elle avait ressenti un magnétisme enivrant, elle se savait liée à lui mais elle n'aurait su dire pourquoi ni comment. Ces sentiments légers étaient nouveaux pour elle, et ne savait que faire : devait-elle faire un pas vers lui et céder à cette étonnante attirance ?
Les mots imposés pour cet exercice d'Olivia : automne – nord – chauffeur – ceux-ci – amandier – crayon – page – maison – chantier – ventripotent – azur – philosophie – rubicond – apologie – princesse – rose – bananier – clavier – nid – ruiner – harmonica – coquelicot – magnétique – beurre – comédie
Source image : http://www.flickr.com/photos/creature_comforts/5547832976/in/faves-bouquetdebamboo/
Elle pensait à tout cela en se promenant dans le jardin, la lettre à la main, souriant à la vue d'un nid d'hirondelles dans les branches du vieux bananier stérile, humant les amandiers en fleurs, caressant délicatement les boutons de rose qui promettaient des senteurs extraordinaires, un peu plus tard dans la saison. Les coquelicots qu'elle apercevait contre la clôture seraient bientôt d'un rouge vif qui attire l’œil et annonce l'été. Le soleil était déjà haut dans le ciel d'un azur éclatant : on l’appellerait bientôt pour le déjeuner. C'était son dernier jour à la maison ; les travaux commenceraient demain et pendant toute la durée du chantier, elle serait chez sa grand-mère. Ses parents s'étaient "ruinés", encore selon l'expression de sa mère, pour agrandir la maison où "ils se sentaient à l'étroit maintenant qu'elle était plus grande". Pourtant, elle allait partir à l'université, cet automne, poursuivre ses études de philosophie. Elle lut à nouveau la lettre, sur laquelle des lignes, tracées au crayon pour que l'écriture fut droite, étaient encore apparentes. Comment pouvait-il ainsi faire son apologie tandis qu'ils ne s'étaient parlé que quelques fois, avait-il perdu le nord ? Non, elle savait bien qu'il ne divaguait pas, elle aussi avait senti qu'il s'était bel et bien passé quelque chose. Lorsqu'elle lui avait apporté les tartines de beurre l'autre jour, préparées par la cuisinière, elle avait ressenti un magnétisme enivrant, elle se savait liée à lui mais elle n'aurait su dire pourquoi ni comment. Ces sentiments légers étaient nouveaux pour elle, et ne savait que faire : devait-elle faire un pas vers lui et céder à cette étonnante attirance ?
Les mots imposés pour cet exercice d'Olivia : automne – nord – chauffeur – ceux-ci – amandier – crayon – page – maison – chantier – ventripotent – azur – philosophie – rubicond – apologie – princesse – rose – bananier – clavier – nid – ruiner – harmonica – coquelicot – magnétique – beurre – comédie
Source image : http://www.flickr.com/photos/creature_comforts/5547832976/in/faves-bouquetdebamboo/
C'est frais, on a une sensation de rêve en lisant, comme si cette histoire était légère. Les images que je voie sont légèrement blanchies, comme noyées de soleil. De très jolies images, merci pour cette histoire en ce début de journée ;-)
RépondreSupprimerPas mal, bravo ! Cà me donne envire de m'y mettre aussi !
RépondreSupprimerBeau texte et avec des mots imposés en plus, bravo !
RépondreSupprimerLes sentiments légers... jusqu'à ce qu'ils deviennent trop lourds à porter, ou au contraire, si forts qu'ils nous portent ?
RépondreSupprimerEst-ce que tu serais intéressée par un forum d'écriture ?
RépondreSupprimerIl faut qu'elle cède...j'attends.
RépondreSupprimerPour ma part, je ne le trouve pas si léger que cela ce texte, si? Ou alors c'est moi mais il y a comme un malaise, non ?
RépondreSupprimerChacun ressent les mots selon son humeur sans doute!!!
Un lien étonnant semble exister entre ces deux personnages... On se demande effectivement sur quel genre de pente cela peut bien mener... Simple fascination de jeune fille pour la vie des autres? Ou bien quelque chose de plus profond?
RépondreSupprimerIntéressant ce trouble de la jeune fille.Je n'ai pas lu tous les textes mais ventripotent et rubicond se déclinent plutôt au masculin.
RépondreSupprimerComme charlotte , j ai ressenti comme un malaise sans trop savoir pourquoi .
RépondreSupprimerDe belles images .....
Les coquelicots qui annoncent l'été :-)
J'ai apprécié cette promenade dans le jardin printanier, malgré le ventripotent chauffeur qui m'en bouchait une partie. :D Les effluves de plantes me caressent encore les narines. :D
RépondreSupprimerElle n' imagine pas céder à ses avances mais elle y pense quand même un p' tit peu ....
RépondreSupprimerBonjour, de découvre ce très beau texte et ce jeu d'écriture via Corinne Couleur Café. J'ai envie de me lancer mais le temps me manque. Ce weekend peut être.... Je repasserai car je découvre ce blog très beau que je ne connais pas encore.
RépondreSupprimerA bientôt !
Je me suis pliée au jeu un peu aidée je crois par le mot "chantier" puisque je travaille dans le BTP. Je me suis fait plaisir, j'avoue.
RépondreSupprimerPour ce qui est de ton texte et à la suite des commentaires lus, je ne ressens pas de malaise mais peut être quelque chose de plus profond que la surface des mots.
Bonne journée et bon weekend
magnifique, comme d'habitude !
RépondreSupprimer