vendredi 18 mai 2012

Une journée d'atelier d'écriture

J'ai testé récemment avec une amie une journée d'atelier d'écriture. Lorsque je m'y était inscrite, ma mère m'avait grondée "Tu verras, tu risques d'être déçue." J'étais intriguée qu'elle me dise ça.
J'étais contente d'y aller car au moins, cela me "forcerait" à reprendre la plume. Cela faisait des semaines que je n'arrivais plus à écrire que de petits paragraphes par-ci par-là, trop rapidement avortés. Là au moins, de 10h à 17h, j'étais supposée ne me consacrer qu'à ça. Finies les fausses excuses, j'avais une journée entière dédiée à l'écriture, et l'idée me plaisait bien. Nous sommes donc arrivée dans un lieu assez improbable, en plein coeur de Paris, dans un immeuble complètement biscornu avec des poutres et des marches un peu partout : j'avais l'impression de pénétrer dans le Paris du Moyen-Âge. Dans une minuscule pièce, nous étions 15, tassés sur nos chaises, autour d'une immense table qui prenait toute la place. L'animatrice ne nous a pas dit bonjour, un point de moins pour elle. Peut-être nous trouvait-elle jeune, peut-être était-elle préoccupée, peut-être était-elle ailleurs, peut-être était-elle odieuse. Allez savoir.
On a fait un tour de table, chacun expliquant sa motivation à être là et ses attentes. C'était bien, car il y avait des gens de tous âges, qui venaient de différents milieux et avaient chacun une relation différente à l'écriture. Une passion commune néanmoins : la lecture.
La matinée allait être sur le thème de la mémoire d'un lieu. L'animatrice nous a lu quelques textes décrivant des lieux, Nathalie Sarraute notamment. Nous avons du, pendant 30 minutes, écrire à la première personne sur un lieu dont nous nous souvenions. C'était court, beaucoup trop court. Ma plume s'est déliée, j'ai écris des pages et des pages, je n'aurais plus voulu m'arrêter. Mais quand elle a sonné la fin du temps, c'était comme une douche de frustration. J'aurais voulu relire mon premier jet, corriger, ré-écrire. Mais non, ça ne marche pas comme ça. Un à un, nous avons lu nos texte. C'était incroyable de diversité de narration, de sensibilité, de cohérence. Chacun y avait mis de soi et cela se sentait. Peu à peu, je me suis mise à détester mon texte. Je ne voulais pas le lire après ça, devant tout le monde. Mais il fallait, et j'ai combattu ce démon intérieur, cette sale bête qui voulait me rabaisser, et je me suis jetée à l'eau. Reprise trois fois par l'animatrice car je lisais trop vite, moi qui déteste parler en public devant des inconnus, c'était dur, éprouvant. J'aurais voulu me cacher sous terre, c'était étonnant comme sensation, car c'était une grande première pour moi. J'avais l'impression qu'on m'avait retourné la peau, que j'étais exposée, sans défense. Se livrer à un public devant soi, ce n'est pas comme un blog, parce qu'on voit la tête des gens quand vous leur dévoilez quelque chose d'intime.

Lire les texte a pris tant de temps que trois personnes ont du attendre le retour du déjeuner pour lire le leur. Une heure de repas, l'animatrice tenait à la ponctualité, elle était stressée en permanence par les aiguilles qui tournaient. Nous sommes allées déjeuner à cinq, c'était chouette. Une traductrice était parmi nous, j'ai pu élucider des choses qui me taraudaient un peu.
L'après-midi, nous allions travailler sur des incipit de roman, c'est-à-dire la toute première phrase d'un roman. L'animatrice nous a donné une liste d'incipit sans nous en indiquer la provenance. Je les ai tous trouvés assez plats, j'étais déçue du peu de variété. Un seul m'a fait naître une image lorsqu'elle l'a lu, alors j'ai laissé mon imagination construire cette histoire qui venait de naître à mon esprit. Nous n'avions que 20 minutes, c'était une torture. J'avais le besoin impérieux d'écrire cette histoire, de la consigner, mais le temps manquait tellement que nous avons du nous restreindre. Chacun a lu son texte à nouveau. C'était bien mais l'attention se perdait, il y avait franchement trop de monde. L'animatrice allait au plus vite, efficace, gardienne du temps, peu prolixe en compliments ou critiques, tout dans la modération.

C'était déjà la fin, j'étais frustrée mais dans une dynamique de joie car le groupe était agréable et globalement bienveillant. L'animatrice nous a présenté l'association dans tous les sens, commerciale ancrée dans la réalité des chiffres et non rêveuse batifolant dans une mer de mots. Chacun a donné son impression et a parlé de ses projets autour de l'écriture -en réalité, l'animatrice voulait savoir quels étaient nos projets d'écriture par rapport à l'association. Elle ne perdait jamais le nord, et nous plaquait des ateliers quels que soient nos projet - carnets de voyage, roman, nouvelle... même les personnes qui venaient de loin pour cet atelier et déploraient l'absence de l'association dans leur région s'entendaient dire "Oui mais on a des ateliers d'écriture par e-mail". J'étais sans voix, un peu dégoûtée par cette attitude de vendre à tout prix. L'empathie n'était pas là, au contraire.

De 7h d'atelier nous n'avons écrit que 50 minutes, je sais que je devrais en retenir plus mais je ne peux pas. Bien entendu, cela m'a confirmé que j'aime inventer des histoires, j'aime écrire et je n'en prends pas assez le temps. Mais ce qui m'a le plus déplu et la posture commerciale de l'animatrice. Pas un instant elle n'a posé le cadre de bienveillance et d'absence de jugement dans le groupe, mais dès qu'elle pouvait tenter de nous vendre un atelier, elle le faisait.
Je suis déçue de voir qu'on fait un business des ateliers d'écriture : bien sûr il faut faire vivre ces associations et ces animateurs, mais il me semble qu'ils jouent beaucoup sur l'inhibition des gens, leurs sentiments, en leur disant qu'un premier jet de roman doit se retravailler, en atelier, au moins 2 ans. Alors je pense que je n'irai plus jamais : j'ai vu ce que c'était, j'en ai fait mon expérience, et je pense que je n'ai pas besoin de ce genre d'atelier. Il en existe peut-être de super qui permettent une belle progression, je suis sûre que beaucoup de gens y trouvent leur compte et en sont contents. Pourquoi pas...

Avez-vous déjà fait des ateliers d'écriture ? Qu'en avez-vous pensé ? Avez-vous de bonnes adresses ?

Source images : image 1, image 2

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14 commentaires:

  1. Cà me tenterait bien, un atelier d'écriture ! Quelle chance tu as ! Bises.

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    1. Ce n'est pas si enviable à mon sens :-( c'est plutôt une grosse déception!

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  2. Avec ce que tu dis ça ne me donne pas très envie d'essayer. Ecrire à peine une heure alors qu'on a en sept à disposition ça craint un peu quand même...

    Sinon, tu serais intéressée par un forum d'écriture ?

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    1. Oui c'est un peu dommage je suis d'accord !

      Qu'est ce que c'est un forum d'écriture ? tu attises ma curiosité!!

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  3. Je n'ai jamais participé à un atelier d'écriture. Je suis encore bien trop timide, l'écriture m'aide à poser les mots que je ne parviens pas à produire avec ma voix. Je serais gênée de devoir les lire à voix haute. Je ne me sentirai pas à l'aise du tout dans ce genre d'atelier, j'imagine.

    J'ai lu ton article en ayant peur pour toi, à chaque phrase ! Enfin, "peur" est un grand mot, je pense que c'est surtout l'attitude de la "gardienne du temps" qui me fait trembler, d'énervement surtout. Enfin, cela reste une expérience, & permet de se nourrir également des aspirations des autres, de découvrir des univers. Mais, je pense que je n'ai pas forcément non plus besoin d'assister à un atelier pour cela !

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    1. Oui, je me suis sentie très mal à l'aise également au moment de la lecture c'était horrible, ça bouillonnait à l'intérieur de moi!!

      C'est vrai que cette gardienne du temps était assez décevante...

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  4. Bonjour,
    j'ai fait des ateliers d'écriture, à la fin du lycée (bon sang ça date !), tous les 15 jours pendant 1 an, j'ai adoré ! gratuitement, sans aucun lien commercial d'aucune sorte. Peut-être qu'elle est là la solution : sans animateur, juste entre amis ou connaissances qui aiment et ont envie d'écrire, ou dans une asso type MJC...

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    1. Bonjour Plouf, merci pour ton passage et bienvenue!

      Oui, dans ce cadre là, j'imagine que ça doit être tellement plus chouette... Merci beaucoup pour ton témoignage!

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  5. Je viens d'en suivre un dans le cadre de mon travail et j'ai trouvé cela assez éclairant. Nous avons d'abord travaillé trois jours en groupe, y allant petit à petit pour délier les plumes, pour travailler sur l'angoisse de la page blanche. J'y ai appris des techniques pour commencer un texte, des types de contenus différents, des manières de l'aborder. Comme nous étions 12, l'animatrice nous divisait en petits groupes pour discuter entre nous de nos textes. Dès le départ, elle avait insisté sur la bienveillance de chacun, ce qui a été le cas (un peu trop même parfois: mes textes étaient considérés comme très bons, ce qui ne me semblait pas le cas).
    Après ces trois jours, nous nous sommes revus par groupes de cinq, avec nos propres écrits préparés à l'avance, ce qui m'a pas mal aidée aussi.
    Bref, j'ai aimé.

    Par contre, ça ne servirait à rien que je te donne le nom de la formatrice, je pense, elle est bruxelloise.

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  6. Moralité : Il faut presque tjrs écouter sa maman!!

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  7. L'année de mon DESS, une de mes profs (Noëlle Châtelet, eh oui) organisait des ateliers d'écriture.Ce qui m'a le plus manqué ce sont des "exercices" et techniques pour "libérer" ma créativité, parce que juste écrire puis écouter les autres, bon, c'est intéressant mais pas besoin d'aller à des ateliers pour ça...

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  8. ... Peut être aura-t-il au moins eu le mérite de te faire réaliser que tu avais toujours de l'imagination, et de l'ivresse disponible pour écrire...

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  9. Merci pour ce témoignage, mais tous les ateliers d'écriture ne sont pas comme cela !
    J'en encadre depuis quelques années, et à chaque fois je construis quelque chose de nouveau en fonction du thème et / ou du public.
    Je dois préparer pour 2013 un cours sur l'organisation d'un atelier d'écriture. Il existe des ouvrages mais peu de références sur le net.
    En France c'est quelque chose de relativement nouveau car il existe encore le mythe de l'inspiration et de l'écrivain qui a "l'écriture dans le sang"

    Bénédicte LEFEUVRE
    quelques exemples sur mon blog
    http://benedictelefeuvre.over-blog.com/










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  10. A chaque animateur, un type d'atelier. Pour apprécier leur diversité, sans doute faut-il en vivre plusieurs, dans des contextes différents. Une piste intéressante de ce côté, à découvrir, pour ouvrir le champ des possibles...
    laclefdesmots.fr

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