Me revoilà avec le jeu de mots d'Olivia : j'avais envie, en lisant les mots, de me lancer dans cette histoire. J'espère que ce n'est pas trop alambiqué...
Il rêvassait au soleil, confortablement installé sur un tapis de mousse, adossé à un bouleau au tronc d’une blancheur d’ivoire. Les nuages étaient arrivés si vite qu’il n’avait pas eu le temps de s’apercevoir qu’un orage d’été allait éclater, que cet arbre majestueux risquerait bien d’être foudroyé d’un instant à l’autre et que la pluie battrait son plein, emportant tout sur son passage. Une telle pluie était impossible à canaliser pour les gens du pays, car elle arrivait avec une telle soudaineté et une si grande violence que les torrents qu’elle formait ravageaient toutes les digues, tous les barrages. Elle avait même emporté un homme.
Il était si loin de tout qu’il dû courir ce qui lui paru une éternité avant de trouver refuge dans ce bar semblant sortir de nulle part, à l’orée du bois. Il était trempé jusqu’aux os, et se félicitait de n’avoir pas emporté avec lui son carnet qui eut été gâté. Il entra sans hésiter. Le moiteur de l’endroit faisait suffoquer quiconque osait y pénétrer. Il eut un mouvement de dégoût à peine la porte poussée, mais le déluge qui se jouait à l’extérieur le convainquit qu’il n’avait d’autre choix que de rester là à l’abris, le temps que la colère des cieux ne retombe.
Il passa à travers un rideau de perles d’une propreté douteuse et vit la scène qui le marquerait longtemps. Dans la pièce, tout respirait la crasse et la détresse. La lumière rouge bleuâtre attirait les moustiques et donnait aux visages des traits plus marqués, des teintes plus grises, des airs plus tristes encore qu’en plein jour. Des tables étaient installées çà et là, bancales et au plateau poisseux. Des hommes, avachis sur leurs chaises, semblaient être des habitués de ce bouge. L’un, à la calvitie dévorante, parlait à son verre de whisky tandis qu’un autre au crâne brillant tentait vainement d’allumer une cigarette avec un briquet vide de gaz. Les deux autres gars, assis à la même table, ne se parlaient que par mono-syllabes, en grognant. Un calendrier poussiéreux trônait au-dessus du bar, navrantes images qui ont fait rêver des milliers de camioneurs et de poivrots de tous les pays, antidote à la solitude de ces voyageurs de la vie.
Une femme fit son entrée de derrière une lourde tenture pourpre qui devait être un nid à poussière, et tous se tournèrent vers elle, les yeux s’allumant d’une lueur. Le chauve eut une expression salace et libidineuse qui donna envie de vomir au jeune homme. La femme s’avança dans la salle, le morne spectacle quotidien auquel elle s’adonnait allait commencer. Le bois de la petite estrade craqua sous ses talons trop hauts pour son âge. Elle était habillée en danseuse de burlesque mais voilà bien longtemps qu’elle n’en avait plus la prestance. Ses genoux semblaient ployer sous un corps trop lourd. Ses cheveux teints faisaient de petites bouchettes qui encadraient lamentablement son visage aux yeux tombants sous les couches de maquillage et de nombreuses nuits de larmes. Elle entonna un chant qui lui fit penser à plutôt à une complainte, se tortillant et se trémoussant sans joie, par devoir, par habitude. Les hommes commencèrent à râler, lui demandant de leur faire son show, au moins pour ce soir. Elle les ignora un temps, jusqu’à ce que le patron derrière le bar mette une musique et lui ordonne de s’exécuter. Elle soupira et entâma son show de burlesque sans entrain, passant entre les tables et se faisait caresser les fesses par l’un ou l’autre, salement. L’homme au crâne chauve, l’œil torve, tenta de l’amadouer en passant sa langue sur ses lèvres, ce qui n’eut pour effet que d’humilier un peu plus cette femme dont la vie n’avait pas tenu ses promesses.
Le jeune homme sentait qu’il avait perdu de sa candeur après cette scène qu’il avait pourtant vue mille fois dans des films et de maivaises séries B. Personne ne l’avait vu, il ressorti sur la pointe des pieds, laissant là ce triste spectacle.
Halluciné, il ouvrit les yeux : il était assis contre un arbre qui le blessait dans le dos. Il était trempé, comment était-il arrivé là ? Avait-il rêvé ?
Liste de mots (j'avoue que j'ai pris quelques libertés...) : nuage – moustique – calendrier – burlesque – candide – orage – canaliser – déluge – caresse – antidote – craquant – quatrains – calvitie – briquet – soleil – amadou – hallucinant – genou – foudroyer – mousse – promesse – langue – fesses – colère
Bravo! J'aime beaucoup ton écriture ! =)
RépondreSupprimerMerci merci!!
SupprimerTon texte est plein de merveilles. :D J'aime beaucoup ton style sec et réaliste, et pourtant poétique. :D La description du bar est une très belle réussite. :D
RépondreSupprimerMerci beaucoup Ceriat, je pense que mon style est un peu conditionné par ce que je lis en ce moment, car il diverge un peu de ce que j'écris d'habitude...Mais mille mercis!
SupprimerAh, la chute est trop brutale pour moi, je veux une suite ! Tu écris si bien !
RépondreSupprimerMerci ma chère! J'ai envie de raconter l'histoire de ce jeune homme... mais je ne la connais as encore!
SupprimerTrès jolie écriture, tout le glauque du lieu et du moment, l'impression de vivre la scène tant tu la dépeins avec talent aussi bien dans le cadre que dans le regard et le ressenti du jeune homme.
RépondreSupprimerje suis ravie que l'on puisse s'y croire! merci!
SupprimerPeut-être se trouvait-il à l'auberge du Caillou !?
RépondreSupprimerhttp://monsieurd.blogspirit.com/archive/2005/04/19/l_auberge_du_caillou.html
Incroyable! j'adore!
SupprimerUne scène parfaitement dépeinte et des mots bien placés.
RépondreSupprimerAmicalement
Violette
Merci beaucoup Violette!
SupprimerLa scène est très réaliste ...et finalement c'était un rêvE ! Surprenante histoire :-)
RépondreSupprimerPeut-être...ou pas? tadaaaaam...
SupprimerLa scène est très realiste , plein de détails ..et puis tout d'un coup on se demande si c'est un rêve ! Un texte mystérieux :-)
RépondreSupprimer;-)
SupprimerHello, je pense comme Valentyne, c'est un rêve et il va se réveiller, bien calé dans son lit douillet !!!
RépondreSupprimerUne suite probable ?...
Bonne semaine et bises de Lyon
Voyage dans les bas fonds de l'inconscient de ton personnage trempé... L'orage aurait provoqué cette hallucination ? Ton style nous perd dans ce labyrinthe glauque riche en images et presqu'en odeurs !! Bravo !
RépondreSupprimerCoincoins perdus