jeudi 24 novembre 2011

Des mots, une histoire : petit exercice d'écriture 2

Voilà un nouveau challenge d'Olivia Billington. Le principe ? Elle part à la chasse aux mots : on peut tous lui en proposer et le lendemain, elle nous soumet la liste de mots et : à nos plumes !
Alors je me suis lancée pour la deuxième fois. Voilà la liste de mots imposés : romance – aveugle – randonnée – faim – espoir – méthode – amplitude – four – esquisse – abyssal(e) – douceur – dramatique – armature – fraîche – retour – tentation – péché – respect – virevolter – agacé – enthousiasme – retard

De la difficulté d'être une jeune fille rangée de bonne famille

Elle s'était cachée à la fenêtre derrière la lourde tenture, la pièce plongée dans une obscurité quasi abyssale. Le parc n'était guère plus clair : on se serait même cru dans un four. C'est la raison pour laquelle ils avaient choisi de s'enfuir précisément cette nuit-là : le mince croissant de lune argenté ne dardait que faiblement ses rayons sur les arbres, les esquissant à peine. Elle attendait le signal convenu. Françoise l'avait aidée à ôter cet horrible corset dont les armatures lui lacéraient la peau par endroits. Si sa mère avait pu la voir ainsi, sur la pointe des pieds, vêtue d'un costume d'homme et sans corset, prête à s'enfuir avec ce rêveur de Baptiste, le secrétaire de son père, un seul flacon de sels n'eut pas permit de la ranimer.
Baptiste, fou amoureux de Joséphine, tel un Julien Sorel, avait offert de la sauver des mains du Baron de La Loutre, un vieux grigou qui avait obtenu la main de la fraîche jeune fille en promettant à son père des terres.
Joséphine était une de ces demoiselles de très bonne famille, lasses de tout parce qu'elles ont tout eu, totalement insensibles à la condition humaine, et voulant se divertir en reproduisant des frasques d'héroïnes qu'elles avaient lu dans quelque romance de mauvaise qualité. Baptiste n'était pour elle qu'une distraction supplémentaire. Il est vrai aussi que la vue du baron la répugnait, et que cela l'arrangeait plutôt qu'on la débarrassât de cet importun.  Elle ne pouvait se plier au respect qu'elle devait à son rang, mais au contraire elle voulait défier le monde : elle n'en pouvait plus de ces interminables randonnées protocolaire de son père, où il était de bon ton d'assister quotidiennement.
L'offre de cet illuminé de Baptiste l'avait séduite, et même enthousiasmée. Il n'avait aucun charme, mais elle verrait un peu du monde, peut-être rencontrerait-elle en route un galant homme. En attendant, si ce petit écrivaillon souhaitait jouer les chevaliers, pourquoi pas.
Mais alors qu'elle attendait le fameux signal de cet amant indésirable, au bout de l'allée des peupliers, elle en vint à mesurer l'amplitude des conséquences de son choix. Elle serait considérée comme perdue, elle vivrait désormais dans le pécher et pire ! Il se pouvait qu'elle ne mangea pas tous les jours à sa faim ! Comment avait-elle pu se montrer si aveugle ? Aucun retour à la maison, auprès de papa et maman, ne serait possible : elle vivrait dans l'errance avec ce petit secrétaire jusqu'à en rencontrer un homme qui soit réellement digne d'elle.
Elle délibéra intérieurement quelques temps, virevoltant d'une pensée sombre à une autre. Décidément, elle n'avait pas agi avec méthode : elle aurait du peser le pour et le contre plus tôt, mais tout s'était tellement précipité. Une grande lassitude s'empara d'elle : la tentation d'aller se reposer était forte. Après tout, serait-ce si dramatique de ne pas rejoindre Baptiste ? L'idée de sortir dans la fraîcheur de cette nuit d'automne la glaça. Voilà le signal. Si elle était en retard sur le plan, il s'agacerait sûrement. Elle tourna les talons, décidée à retourner se coucher. Elle en avait assez, cela ne l'amusait plus. Elle avait donné de l'espoir à ce garçon, il devait s'en estimer bienheureux.

Tandis qu'elle se glissait dans ses draps de soie, elle n'imaginait pas qu'il l'attendit toute la nuit, grelottant de froid et de tristesse, ses larmes se confondant à la pluie battante qui lui détrempait le visage. Il ne pouvait plus rentrer : il avait glissé une lettre d'explication dans le secrétaire fermé du père de Joséphine, qui la trouverait le lendemain en en ôtant le cadenas. Il pensait qu'elle avait été retardée, enfermée, indisposée, mais il n'imaginait pas que le lendemain, les traits un peu tirés par cette veille, elle demanderait innocemment : "Tiens, Papa, votre Baptiste n'est pas là aujourd'hui?"
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12 commentaires:

  1. Bravo...
    Je suis bluffée...

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  2. Douchka de chez Catbibi25 novembre 2011 à 01:16

    <3 tout pareil!! <3

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  3. Hé bien, j'ai presque envie de la traiter d'idiote la Joséphine...enfin les sentiments sont ainsi!
    Très jolie histoire, joli monologue intérieur de joséphine.

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  4. Merci Catbibi!!

    Mind-the-gap : en effet, elle est plutôt sotte...mais peut-on la blâmer? Je me suis dit que pour une fois, l'héroïne n'avait pas à être une princesse au grand coeur, mais pouvait être une anti-héroine! Jane Austen critique parfois ses personnages...
    Merci en tout cas de ton commentaire !

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  5. "Elle avait donné de l'espoir à ce garçon, il devait s'en estimer bienheureux." Mais qu'elle est charmante !! ^^

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  6. Une jeune fille bien sous tous rapports. ;-) J'ai bu ton audacieuse histoire jusqu'à la lie. :-)

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  7. Bonsoir,
    Ma fois, elle est stupide...mais parfois nous le sommes, et de ce faire manipuler comme cela arrive plus souvent qu'un tremblement de terre sur la Lune!
    Enfin quel contraste entre ce glisser dans la soie et être transit par une pluie glacée...
    Bonne fin de semaine
    @ plus

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  8. C'est joliment écrit ! Je me souviens qu'au primaire m'a maitresse nous faisait piocher des bouts de papiers avec des mots pour écrire un conte, c'est ce qui m'avait donné l'envie de devenir écrivaine... :-) C'est une façon de s'y mettre dans l'imagination et la bonne humeur !

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  9. Plus tard , baptiste se rendra compte qu 'il l'a échappé belle ....Je plains le futur mari de cette Joséphine :-)

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  10. Plus tard baptiste se rendra compte qu il l'a échappe belle !
    Enfin j espère pour lui :-)

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  11. Je suis impressionnée ! T'es douée... On sent a travers tes mots qu'écrire est un vrai plaisir. Te lire le donne envie de persévérer aussi de mon coté. Ça me confirme à quel point il peut être bon de laisser notre imagination commander la plume...

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